Olivier Chaïbi

présente

Pierre-Joseph Proudhon et le mutualisme,
quelles influences sur la Bibliothèque des Amis de l’Instruction  ?

le jeudi 7 novembre 2013

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Pierre-Joseph Proudhon et le mutualisme, quelles influences sur la Bibliothèque des Amis de l’Instruction ? de Olivier Chaïbi est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 non transposé.

 Compte-rendu par Henri Viltard

Olivier Chaïbi a tenté d’établir des rapprochements entre Proudhon et Jean-Baptiste Girard, à travers leurs parcours biographiques respectifs. Comme le fondateur de la BAI, Proudhon est issu d’un milieu modeste et devient apprenti typographe. Obligé d’abandonner ses études par manque de moyens, il obtient finalement une bourse. Comme Girard, Proudhon effectue un séjour à Sainte-Pélagie entre 1849 et 1852. Sur le plan des idées, Proudhon valorise l’autodidactie et l’enseignement professionnel. On remarque l’influence saint-simonienne et fouriériste, la volonté d’instruire le peuple, d’émanciper les ouvriers par l’association et le mutualisme. Proudhon est marqué par l’école mutuelle de Besançon, les pratiques paysannes et artisanales franc-comtoises et par sa rencontre avec les canuts lyonnais.

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Sa réflexion économique a été caricaturalement réduite au slogan qui a fortement marqué les esprits : « La propriété, c’est le vol !». Proudhon s’attaquait à la légitimité de la notion de propriété : un travailleur ne peut prétendre à la propriété en vertu de son travail car il ne se suffit pas à lui-même ; les outils qu’il utilise ont été fabriqués par un autre, la matière-même qu’il transforme a été extraite et modifiée par d’autres. D’autre part, Proudhon ne cesse de fustiger la « féodalité du capital » en rejetant l’idée selon laquelle le capital générerait des richesses légitimes. Pour lui, seul le travail donne valeur aux choses et ce n’est pas l’utilité de l’objet produit qui lui donnerait une valeur, nécessairement variable car dépendante de l’opinion : tout produit a une valeur absolue, immuable, partant légitime et vraie. « La valeur absolue d’une chose est ce qu’elle coûte de temps et de dépense. » Entre la valeur d’usage et la valeur d’échange, Proudhon introduit le concept de valeur constituée ou synthétique qu’il nomme parfois « valeur sociale »

L’échange mutuel implique une relation égalitaire, solidaire et de confiance. Il est conçu comme un contrat libre passé au sein d’une association chargée de maintenir « l’égalité dans les moyens de production et l’équivalence dans les échanges. » ((1. Alain Béraud, « Proudhon et Smith », in International workshop, The critique to Political Economy in 19 th century, part II. : Pierre-Joseph Proudhon, Università degli Studi Verona, 16-19 septembre 2009, consulté en ligne le 25/12/2013, <http://www3.u-cergy.fr/beraud/proudh2.pdf>))

En 1849, Proudhon a tenté de mettre en œuvre ses idées en fondant une banque dont le capital serait davantage social que financier. Il s’agissait d’établir une relation privilégiée et de confiance entre producteurs et consommateurs associés afin de rendre les échanges moins coûteux. Le coût du crédit ainsi réduit devait devenir accessible aux classes populaires et leur permettre de s’approprier les outils de production. Même si la manière de les mettre en œuvre diffère, on remarquera là des préoccupations proches de celles d’un Godin. La banque de Proudhon n’a cependant pas pu fonctionner, son fondateur contraint à l’exil pour ses activités journalistiques. ((2. Pour en savoir plus sur la Banque du peuple, voir : Olivier Chaïbi, Proudhon et la banque du peuple (1848-1849), Paris, éditions Connaissances et Savoirs, 2010.))

peuple

Parmi les fondateurs des journaux de Proudhon et de la banque du peuple, plusieurs sont liés à l’univers des bibliothèques populaires :

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César Daly (1811, Verdun – 1894, Wissous) est un architecte d’origine franco-anglaise, proche de Victor Considerant. Collaborateur de la Banque du Peuple, il est aussi lié à Jean Pierre Béluze, le fondateur, en 1863, de la Société du Crédit au Travail, connue pour être la première banque populaire de France. ((3. Plus de détails sur le site de Yves Vinot…)) Il est inscrit à la BAI du 3e arrondissement et membre de la BAI du 5e.

 

 

 

fauvetyCharles Fauvéty (1813, Uzès – 1894, Asnières) est un républicain et laïc, très proche de Girard. Issu d’une famille de protestante et révolutionnaire, c’est un commerçant proche des saint-simoniens et des fouriéristes. Franc-maçon, il est le fondateur du Représentant du Peuple, l’administrateur du Peuple. En 1862, il promet des dons pour la BAI du XVIIIe. En 1871, il est vice-président de la BAI d’Asnières. De 1873 à 1876, il est président de la BAI d’Asnière. ((4. Voir la biographie très complète sur le site des Amis et passionnés du Père-Lachaise…))

Enfin, Proudhon a été sollicité par Charles Beslay, en 1861, pour un don à la Bibliothèque des Amis de l’Instruction.

Je veux bien envoyer quelque chose à la Bibliothèque des Amis de l’Instruction ; mais je désire auparavant avoir quelques détails sur cette compagnie. Le bonapartisme se fourre partout, et je ne tiens pas à sentir ses coudes. Puis, je suis bien décidé à ne plus rien faire qui ressemble à une recherche de la popularité. A part un certain nombre d’hommes sérieux et dignes, je suis fatigué des impertinences de la multitude, ignorante, présomptueuse et ingrate. Je veux qu’on sache une bonne fois que je défends une cause et des principes, et je me soucie fort peu des partis et des hommes. Ce que j’ai été toute ma vie, l’homme de l’idée, je tiens à le paraître exclusivement ; le moment me semble venu où l’on doit juger de mes intentions par mes doctrines, non de mes doctrines par mes intentions, où par conséquent je dois me croire dispensé de toute démonstration courtisanesque à l’adresse de notre magnanime souverain le peuple. Je me moque de la faveur populaire ; je n’ai pas besoin de cette excitation pour faire mon devoir, pas plus que je n’ai besoin de satisfaction, d’ambition ni de fortune. ((5. Correspondance de P-J. Proudhon, tome 11, Paris, A ; Lacroix, 1875, p. 246-247.))

Proudhon a finalement donné des ouvrages en 1865 à la BAI du Ve arrondissement. Celle du IIIe, accueille 5 livres de Proudhon dès 1868 et en comprend 7 en 1875. Il faut sans doute nuancer le tableau dressé par Pascal Mary dans le chapitre des Lieux de mémoire consacré à cet établissement, qui donne une image plutôt conservatrice de l’univers intellectuel des bibliothèques populaires. En effet, sous l’Empire, la présence de volumes écrits par les socialistes utopistes était déjà compromettante, surtout pour un fondateur comme Girard, fraîchement sorti de prison… Cette question sera peut-être abordée lors du prochain colloque consacré aux Bibliothèques populaires

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