L’esprit

Le principe d’une restauration consiste à rendre réversible toutes les interventions effectuées sur les ouvrages. C’est la raison pour laquelle des colles spéciales sont utilisées. Il ne s’agit pas d’essayer de faire du neuf avec de l’ancien comme pourrait le faire un travail de reliure proprement dit, mais de redonner une cohésion à des ouvrages qui partent en morceau.

Effectuer un travail de restauration sur des livres demande une sensibilité à leur caractère patrimonial, sans pour autant être inhibé par une sacralisation excessive. Il faut en effet être capable de couper une couture ou d’inciser un carton, avec suffisamment de précision pour ne pas endommager le volume traité. Il est nécessaire d’être soigneux, patient et précis. Un livre peut demander plusieurs heures de travail, or les volumes sont nombreux à nécessiter ce type d’intervention. Aussi la BAI recherche des talents désireux d’apprendre et de s’investir sur plusieurs années dans ce type d’activité.

 

La pratique

Le matériel est rangé au sous-sol mais l’atelier se déroule au rez de chaussée.

  1. 1) il faut remplacer la protection en feutre par de grands cartons, eux même protégés par des journaux dépliés.
  2. 2) l’essentiel du matériel est rangé dans un panier
  3.  3) il faut préparer les colles la veille de l’atelier.

A vos cahiers !

Les premiers et les derniers cahiers d’un volume sont souvent ceux qui souffrent le plus et il est parfois nécessaire de les consolider avant de les coudre. Il faut pour cela tailler une série de bandelettes dans un papier japon assez solide. Placer vos feuillets en éventail afin de les encoller d’un seul coup.

Coller vos bandelettes de japon sur le côté encollé

Encoller l’autre partie suivant le même procédé, et voilà l’travail

Maintenant, le fil ne risque plus de passer au travers du papier lors de la couture.

De la haute couture

Avant de coudre, il faut s’assurer que toutes les pages sont bien dans le bon ordre et dans le bon sens !

ensuite, on retrouve l’ancien trou :

on ressort à l’extérieur pour arrimer le cahier à la couture du cahier du dessous.

On entre à l’intérieur du second cahier, pour ressortir plus loin à l’extérieur…

On repasse sur le premier cahier, on arrime à nouveau au corps du livre…

Après un allez-retour, on retrouve le début de notre fil (magie, magie…) et il n’y a plus qu’à faire un nœud.

Ils en ont plein le dos !

On vous l’avait dit : le mal de dos est le mal du siècle pour des livres centenaires. Il est tentant de recoller un dos tout simplement avec un point de colle à la v’la-comme-j’te-pousse. Mais ce n’est pas joli-joli, ce n’est pas solide et ce n’est pas dans les règles de l’art de la restauration. Un dos doit avoir de la souplesse pour que le livre puisse s’ouvrir. Il faut donc qu’il puisse se détacher et faire une sorte de soufflet, sans pour autant se détacher des plats du livre. Les mors sont soumis à rude épreuve et sont généralement usés… donc il faut abandonner les solutions de facilité et tout refaire !

1) tailler un nouveau dos dans un carton souple, à la bonne taille bien sûr.

 

2) Tailler un pièce en forme de I dans une toile blanche qui sera teinte au plus près de la couleur de l’ouvrage.

3) Insérer cette pièce en I dans les cartons des plats.

Les branches du I sont repliées dans les coins inférieurs des plats et sur le nouveau dos. Pour cela, il est nécessaire d’inciser le bord du carton et la toile : opération délicate !

4) recoller l’ancien dos par dessus le nouveau (dans le bon sens !).

 

Dans tous les coins

Il faut rester modeste et ne pas se mettre en tête de restaurer tous les coins de tous les livres de la BAI. Du reste, cela n’est pas souhaitable puisqu’ils rendent aussi visible le succès des livres en question. A part quelques spécialistes et passionnés du XIXe siècle, qui est en mesure d’évaluer le succès de Paul de Kock ? Tant il est vrai qu’on bavarde dans les coins, les coins sont bavards…

Pour restaurer un coin, il faut le redresser (délicatement, à coup de marteau !) puis on insère du papier japon entre deux couches de carton.

Il est parfois nécessaire de faire une âme pour redonner vie à un coin. Bref, c’est un peu de la sculpture sur papier…