La Bibliothèque des Amis de l’Instruction du 3e arrondissement s’est associée à la Mairie d’Asnières pour présenter la bibliothèque populaire libre d’Asnières, créée par Jean-Baptiste Girard et demeurée active de 1871 à la fin des années 1970. La présentation s’est déroulée pendant deux jours dans le cadre du Château d’Asnières.

 

Une sélection d’ouvrages du fonds de la bibliothèque populaire, accompagnée de panneaux retraçant l’historique de cette bibliothèque, a été proposée aux visiteurs. Cette exposition a été rendue possible grâce à la Direction de la Culture de la mairie d’Asnières, à l’association des Amis du Château, et aux bénévoles qui ont contribué à cette journée : Mme Monique Stieffatre, Conservateur honoraire, fondatrice de la Bibliothèque municipale Emile Bernard et ancien membre de l’association  de la Bibliothèque Libre d’Asnières,  Agnès Sandras, Michel Roszewitch et Jean-Louis Bertrandy, de la Bibliothèque des Amis de l’Instruction du 3è arrondissement, et M. Etienne Naddeo, qui étudie actuellement le fonds de la Bibliothèque Populaire d’Asnières dans le cadre de ses études à l’Ecole des Chartes.

 

 

Monique Stieffatre recevant un jeune visiteur de l’exposition

Exposition dans la Galerie du Château d'Asnières

Exposition dans la Galerie du Château d’Asnières

Le fonds de la bibliothèque populaire libre d’Asnières, est un fonds exceptionnel en France  par son ampleur (30 000 volumes), la période concernée (plus de cent ans), et son origine : son fondateur, Jean-Baptiste Girard, ouvrier typographe, qui a combattu pour le développement des bibliothèques populaires dans les années 1860. Il a créé la première Bibliothèque des Amis de l’Instruction (celle du 3è arrondissement) en 1861. Il s’installe à Asnières en 1867 avec sa fille Anna et son gendre, le sculpteur Alphonse Baillif. Avec d’autres socialistes, il fonde en novembre 1871 la bibliothèque populaire libre d’Asnières dont il  est le premier président de 1871 à 1873. Il meurt le 22 mai 1900 dans sa maison du 7, rue Sainte-Sophie et est enterré au cimetière ancien d’Asnières.

 

Jean-Baptiste Girard

 

La bibliothèque populaire libre d’Asnières, un siècle d’histoire

Fondée en 1871, la bibliothèque populaire libre d’Asnières reste ouverte jusqu’en octobre 1976. C’est à cette date que son fonds est donné à la mairie d’Asnières lors de l’ouverture d’une bibliothèque municipale.

 

Documents de la Bibliothèque Populaire d’Asnières

 

Au cours de son histoire, la bibliothèque populaire d’Asnières est peu à peu devenue une institution culturelle importante sur le territoire de la commune. Ses débuts sont pourtant modestes, puisque, à l’origine, le fonds de la bibliothèque ne comptait que 400 ouvrages. En 1878, 453 « sociétaires » y sont inscrits à la bibliothèque et empruntent régulièrement des livres. L’institution prend ensuite une nouvelle dimension en 1894, année de son déménagement au 31, avenue d’Argenteuil. Dans un local plus visible qui donne sur la rue, elle voit le nombre de ses lecteurs augmenter, et les cotisations lui procurent un budget plus conséquent. Le fonds s’accroît alors de plus en plus, puisque le Conseil de la bibliothèque privilégie l’achat de livres aux autres dépenses. La bibliothèque possède ainsi 10 000 volumes en 1910 et compte 508 membres.

Le Conseil change aussi à cette époque la politique d’acquisition de la bibliothèque. Les ouvrages de délassement, dont les romans, deviennent de plus en plus nombreux dans le fonds de la bibliothèque alors qu’ils n’étaient jusque là que peu acceptés. Cette politique s’avère payante et nombre de prêts explose à la veille de la Première Guerre mondiale.

La bibliothèque reste ouverte durant la guerre, mais son activité est notamment ralentie par la mobilisation d’un grand nombre de ses membres. Après la libération, l’établissement reprend son développement en dépassant même les 30 000 prêts par an en 1921. Ce chiffre exceptionnel dépasse toutes les performances des bibliothèques populaires parisiennes.

Durant les années 30, la bibliothèque s’enracine dans le paysage culturel d’Asnières : elle déménage dans un bâtiment municipal de 170 m², rue Fontaine, au sein du Centre Administratif d’Asnières, bâtiment municipal. Elle est de plus en plus soutenue financièrement par la mairie. Dès la Seconde Guerre mondiale, beaucoup d’Asniérois ont oublié que cette bibliothèque n’est pas municipale…

Son développement trouve ensuite son sommet durant la Seconde Guerre mondiale. Pendant l’Occupation, il semble qu’une grande partie de la population d’Asnières ait fréquenté la bibliothèque, qui compte 1 500 membres en 1943. L’accroissement des moyens restant en deçà des besoins, les demandes d’inscription sont parfois refusées. Il semble que les Asniérois se soient tournés vers la lecture pour oublier les difficultés et les désastres de la guerre. Le prix du livre étant trop élevé pour une bonne partie de la population durant l’Occupation, la bibliothèque a donc joué un rôle important, malgré la censure de l’occupant.

Par la suite, l’activité de la bibliothèque décline dans les années 1950 et 1960. Le fonds s’accroît peu : il compte 28 000 volumes en 1945 et 31 000 en 1976 à la fermeture de la bibliothèque. Chaque ouvrage est doté d’une fiche manuscrite classée, associée à une fiche- auteur où sont répertoriés tous les titres possédés. Ce matériel est encore conservé.

La création de la première bibliothèque municipale d’Asnières en 1977 (actuelle médiathèque Emile Bernard), a décidé Georges Bazeilles, le directeur de la bibliothèque populaire, a faire don, au nom de son association, de tout son fonds à l’établissement public. Cet ensemble est encore rigoureusement classé dans l’état d’origine, stocké dans un centre administratif de la ville d’Asnières.

Ce fonds est tout à fait exceptionnel en raison :

–  de son amplitude chronologique qui permet d’étudier plus de cent ans d’acquisitions stratifiées par numéros d’inventaires.

–   de sa composition : d’ouvrages du XVIIIe siècle aux livres de poche et livres de la bibliothèque rose, en passant par des manuels de sciences, des romans populaires, des collections de revues et périodiques, etc.

La bibliothèque populaire libre d’Asnières a  ainsi profondément marqué l’histoire culturelle de la commune pendant plus d’un siècle.

C’est un témoignage unique en France qui, dans son intégralité, dans sa diversité voire son étrangeté, renseigne sur l’histoire de la lecture, l’histoire sociale, etc.

Des bibliothèques, un public et des livres

Comme la plupart des autres bibliothèques populaires, la bibliothèque d’Asnières possédait de nombreux livres s’adressant spécifiquement à un public d’ouvriers. Selon les conceptions de l’époque des manuels d’enseignement, des traités de morale, d’hygiène, d’économie domestique, souvent austères, étaient supposés apprendre aux ouvriers à bien se comporter au quotidien, de manière respectueuse et responsable. Des récits de voyage ou des journaux illustrés les incitaient à rêver et s’évader de leur quotidien. Enfin, des livres d’histoire, de philosophie et des dictionnaires devaient les instruire et développer leur réflexion.

 

Les Manuels Roret

Les Manuels Roret

 

C’est ainsi que de nombreux dirigeants de bibliothèques populaires envisageaient leur rôle et Asnières n’échappait pas à la règle.

Les traités de morale et d’hygiène à destination des ouvriers ne sont pourtant pas très nombreux  dans  le fonds de la bibliothèque. Dès les années 1900, le Conseil de la bibliothèque avait décidé de ne plus leur donner la priorité et ces ouvrages disparaissent peu à peu au cours du XXe siècle.

 

Romans Populaires

Romans Populaires

 

Les romans populaires, en revanche, sont très nombreux : la majorité des ouvrages de la série « Littérature-romans » peuvent être considérés comme des romans populaires, car leurs auteurs sont les plus grands feuilletonistes de l’époque. Alexandre Dumas, 60 titres dans le fonds de la bibliothèque en 1874, Eugène Sue (21 titres en 1874), Frédéric Soulié (21 titres), Georges Sand (19 titres), Walter Scott (19 titres), Balzac (18 titres) ou encore Jules Verne (14 titres) sont les auteurs les plus représentés. En 1942 le fonds s’est enrichi des titres du début du XXe siècle comme la série des Fantômas ou Le mystère de la chambre jaune.

 

Lecture et Périodiques

Lecture et Périodiques

 

A Asnières comme dans d’autres bibliothèques populaires, les romans sont vite devenus les livres les plus empruntés (jusqu’à 90 % des prêts certaines années)

 

Les Voyages

Les Voyages

 

Les livres de géographie, les atlas et les récits de voyage sont une autre catégorie d’ouvrages très demandés par les lecteurs des bibliothèques populaires. Là encore, cette tendance se retrouve à Asnières avec des ouvrages consacrés aux pays exotiques comme La Chine et les Chinois d’aujourd’hui, acheté dans les années 1920, ou des livres sur les colonies, tels que L’Indochine française. Les régions de France métropolitaine sont également très représentées dans le fonds puisque la bibliothèque a acheté plusieurs dizaines de guides et d’atlas de tourisme à partir des années 1920. La Normandie, proche de Paris, mais aussi la Corse, le Sud-Ouest, les Pyrénées ou la Bretagne sont notamment à l’honneur.

La bibliothèque populaire d’Asnières a progressivement intégré à son fonds des périodiques, journaux ou revues. Ses fondateurs y étaient initialement opposés, craignant l’influence délétère des romans feuilletons sur les lecteurs. A partir des années 1900, l’établissement accroît néanmoins son offre avec des titres sérieux comme La Revue des deux mondes, mais aussi beaucoup de journaux illustrés : L’Illustration, par exemple, est l’un des premiers organes français à paraître avec des photographies. D’autres journaux ou revues traitent de sujets plus spécialisés et dans l’air du temps : c’est le cas de La Nature et du Journal des sports modernes, également présents dans le fonds.

 

Socialisme et Mouvements Utopiques

 

Les livres d’histoire ont longtemps été privilégiés par les dirigeants de la bibliothèque qui voyaient dans l’histoire une source d’exemples à suivre pour bien se comporter dans le présent. Les livres achetés traitaient souvent d’une histoire très récente, la guerre de 1870 ou la Révolution de 1848, la Première Guerre mondiale ensuite. Les mémoires sont nombreux dans le fonds de la bibliothèque, comme ceux du président Poincaré ou les Souvenirs de guerre du général Pershing. Des ouvrages critiques à propos de l’histoire récente étaient aussi achetés par la bibliothèque comme Le boucher de Verdun, roman de Dumuy.

 

 

Usuels et Encyclopédies

Usuels et Encyclopédies

 

Enfin les dictionnaires, bien que peu nombreux dans le fonds, représentent bien la volonté d’une culture encyclopédique qui est l’idéal des fondateurs de la bibliothèque et un des grands rêves du XIXe siècle. Souvent dans des éditions de très bonne qualité ou même de luxe, les dictionnaires ne quittaient jamais la salle de lecture. Parmi les principaux titres, la grande Encyclopédie de Pierre Larousse figure en bonne place dans le fonds de la bibliothèque.

 

Le Château d'Asnières

Le Château d’Asnières