Camille Noé Marcoux

présente

Victor Rodde, « l’enragé du bon sens »

avec des lectures de Philippe Loussier

« La presse patriote vient de perdre un de ses plus énergiques écrivains », titrait en 1835 le journal Le Charivari lors de la mort prématurée, à 43 ans, de Victor Rodde (1792-1835), natif du Puy-en-Velay, l’un des plus actifs et dévoués défenseurs du bien public et de la liberté de la presse. Pourtant, aujourd’hui, son nom est complètement oublié.

Sous la Restauration, à Clermont-Ferrand, après avoir travaillé aux contributions directes, et avoir créé le premier journal auvergnat d’opposition à la politique conservatrice du régime de Louis XVIII, Rodde se lance dans plusieurs combats contre des actes arbitraires et de corruption, tels que les malversations d’un haut fonctionnaire, la malhonnêteté d’un représentant de la justice, ou bien encore l’injustice de certaines décisions prises par la municipalité clermontoise et par l’autorité préfectorale, s’en remettant chaque fois aux tribunaux et à l’opinion. Elu représentant de la garde nationale de Clermont-Ferrand au lendemain de la révolution de Juillet 1830, c’est lui qui présentera à Louis-Philippe les doléances des Auvergnats. Mais rien rien ne changera avec l’avènement de cette nouvelle monarchie, et les espoirs se transformeront vite en déceptions. En 1832, Rodde s’installe à Paris. Là, appuyé par les encouragements et le mécénat des députés de l’opposition républicaine qui, à l’Assemblée nationale, dénoncent les dérives et abus du nouveau régime, pourtant issu des barricades, il fonde un journal populaire, sobrement intitulé Le Bon Sens, journal de la démocratie, premier organe de presse à diffusion nationale dans lequel des prolétaires, alors privés de tout droit politique, pouvaient prendre la parole et débattre des enjeux de société. Au sein de la presse des années 1830, le Bon Sens est un journal d’opinion résolument progressiste, se positionnant contre la peine de mort et l’esclavage, défendant la condition et le combat des femmes, le droit au travail et l’accès à la culture pour les classes défavorisées. « Le Bon Sens, écrit Louis Blanc, se distinguait entre tous les journaux par l’appel incessant et direct qu’il faisait à l’intelligence du peuple », et il rappelle que ce journal devint rapidement une «arène intellectuelle, où il se trouva que des tailleurs, des cordonniers, des ébénistes, cachaient des hommes d’État, des philosophes, des poètes». V. Rodde y affrontera alors sans relâche l’autoritarisme du pouvoir et de la police de Louis-Philippe qui ne voulaient qu’une chose : bâillonner la liberté de la presse.

Ce livre est une évocation du parcours de cet homme public à l’impétuosité sans égale, qui a toujours mis son courage au service de ses opinions. Après de nombreux procès et des duels à l’arme à feu, V. Rodde ira même jusqu’à réunir huit à dix mille Parisiens en plein cœur de la capitale, place de la Bourse, pour le soutenir dans sa lutte contre les menées parfaitement illégales du préfet de police Henri Gisquet contre la presse. Par cette première biographie historique, s’appuyant sur l’étude de son journal et sur des sources et des documents inédits, cet ouvrage veut rendre hommage à ce citoyen intègre qui a pris en main la défense des droits de tous, et qui a eu le courage civique et politique de faire de la cause des lois sa propre cause. L’édition présente un choix d’écrits de Victor Rodde ainsi que cinq témoignages, dont ceux d’Alexandre Dumas, d’Agénor Altaroche et de Louis Blanc. Elle est illustrée de nombreuses gravures d’époque, notamment de Daumier, de Grandville et de Traviès, qui, par la caricature, dépeignent avec force les luttes — toujours d’actualité — menées sur le terrain par cette belle figure, non seulement de l’histoire de la liberté d’expression, mais également de celle de tous les grands idéaux de la république sociale — toujours en devenir…

Camille Noé Marcoux est chercheur en histoire et en histoire de l’art. En tant qu’historien, sa principale thématique de recherche porte sur le journalisme littéraire durant le premier XIXè siècle. Il a notamment écrit plusieurs articles dans la revue des Amis de Jules Vallès, mais aussi animé une émission radio autour de Paris-Bohème, de Balzac à Vallès (Radio-Campus), et réalise actuellement un travail sur les peintures de l’écrivain Eugène Sue (1804-1857). Par ailleurs, il s’est spécialisé dans la recherche d’œuvres d’art volées et disparues dans les collections des musées du nord de la France entre 1914 et 1945.

Le jeudi 22 novembre 2018

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Victor Rodde, l'enragé du bon sens

par Camille Noé Marcoux

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Victor Rodde, l’enragé du bon sens de Camille Noé Marcoux est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.