par Michel Roszewitch
Tout le monde connaît Les Mystères de Paris d’Eugène Sue, paru en 1843, mais qui a lu Les Mystères du Peuple, du même auteur ? Cet ouvrage est une fresque historique et politique dont le ton est donné dès l’exergue : “Il n’est pas une réforme religieuse, politique ou sociale, que nos pères n’aient été forcés de conquérir de siècle en siècle, au prix de leur sang, par l’insurrection.” Maurice Lachâtre, son ami et éditeur, met en vente les premières livraisons à partir de novembre 1849, après la révolution de 1848. La publication en sera interrompue à plusieurs reprises. L’ouvrage est terminé en 1857, mais saisi et interdit après que l’éditeur et l’imprimeur ont été condamnés (voir l’annexe). Il ne paraîtra intégralement qu’à titre posthume, Eugène Sue étant décédé pendant l’instruction.
Les Mystères du peuple est l’histoire rétrospective, de 57 avant Jésus-Christ à 1851, de la famille Lebrenn. À la veille de la conquête de la petite Bretagne par César, cette famille vit paisiblement près des pierres de Karnak. La défaite de la bataille de Vannes marque le début de la servitude pour les descendants de Joel, le brenn (chef) de la tribu de Karnak. La chronologie historique est revue et corrigée par Eugène Sue. Il mêle à l’Histoire des personnages fictifs, descendants de Joel, qui sont autant de témoins des mortifications et des crimes endurés par le peuple. [1]
À la BAI, cet ouvrage figure en bonne place, en bas, à droite, en entrant dans la grande salle du rez-de-chaussée, derrière le magnifique meuble rempli de fiches. Mon attention avait été attirée par cet ensemble de volumes, en novembre 2012, lors du cycle de conférences sur le roman populaire.
Mais là, une déception m’attendait. Le dernier volume, le 9ème, était absent. Il y avait bien le 10ème volume regroupant toutes les gravures, mais pas celui traitant de la période la plus récente, celle de l’échec de la Seconde République.
En recherchant sur Internet en 2012, j’ai repéré, en vente à un prix abordable, ce 9ème volume, dépareillé, qui nous faisait défaut. Le temps passant, accompagné d’un peu de négligence, en mars 2016 je retrouve les coordonnées du vendeur. Téléphone. Le numéro est bon. Le livre est toujours disponible et au même prix.
Quelques semaines plus tard, le précieux 9ème volume (dont le dos relié porte le numéro 5 – erreur ? – camouflage ?) est entre mes mains.
En feuilletant le l’ouvrage, je remarque l’avertissement, et tout un monde inexploré s’ouvre à moi : un texte édifiant signé “Maurice Lachâtre” (à ce moment, je ne connaissais pas ce Monsieur).
Et c’est un choc, le monde brutal de l’édition sous le second empire, les procès, les saisies, les prisons, les exils de l’auteur mais aussi de l’éditeur et de l’imprimeur !
Sinistre aventure. L’appétit aiguisé, je cherche à en savoir plus sur ce Lachâtre qui me semble un personnage fascinant. Et la chance continuant, j’entre en contact avec François Gaudin, professeur à l’université de Rouen, qui est un grand connaisseur de Lachâtre, au point d’y avoir consacré pas moins de cinq ouvrages.
En mars prochain, François Gaudin fera une conférence à la BAI sur Maurice Lachâtre ; il a bien voulu dès à présent nous aiguiser l’appétit avec la présentation qui suit. Qui, mieux que lui, pouvait nous donner à découvrir cet éditeur de textes dénonciateurs et révolutionnaires ?
[1] Jean-Pierre Galvan – http://eugene.sue.free.fr/les_peuple.html