Par Hélène Personnaz

 

Les passerelles sont nombreuses entre les soirées à la BAI de cette saison 2016-2017 et celles de la précédente. C’est en tant qu’auditrice que Madeleine Leveau-Fernandez a poussé la porte du 54 rue de Turenne l’an passé, alors que Renaud Gagneux présentait l’Enceinte de Philippe Auguste. Les conversations d’après conférence nous ont fait découvrir en elle l’auteur d’un essai sur La Zone et les fortifs et d’une biographie d’Amélie Élie, dite Casque d’Or. Rendez-vous fut pris pour que Madeleine Leveau-Fernandez vienne nous conter l’histoire ”véritable” de cette femme qui vécut dans le monde de ceux qu’un journaliste, s’inspirant de Fenimore Cooper, baptisa les Apaches. Pour ces fils de bourgeois en crise ou ces chômeurs, les enjeux ne sont pas politiques ; c’est la “tierce” (la bande) qui impose un mode de vie, une façon de se vêtir et de s’armer, un code de l’honneur, des moyens de subsistance. Le proxénétisme y occupe une place de choix et c’est par cette porte qu’Amélie Élie fera son entrée dans la légende. La beauté irradiante de Simone Signoret, le charme velouté de Serge Reggiani, la morgue de Claude Dauphin tels que Jacques Becker les as mis en scène dans son merveilleux Casque d’Or peinent un peu à coïncider avec leurs modèles dans la vie non rêvée d’Amélie, de Manda et de Leca. Mais la fiction ainsi dépouillée laisse place à un documentaire sur des existences qui, à certains égards, ne sont pas moins aventureuses.

Madeleine Leveau-Fernandez, Les Apaches de Paris à la Belle Époque 22/09/2016

Le point de vue de la documentaliste est central dans la façon dont Arlette Boulogne aborde la question des bibliothèques populaires. Ses recherches l’ont rendue particulièrement sensible aux travaux de Jean Macé dont elle fait une figure décisive de la création de bibliothèques en milieu rural. L’objectif du fondateur de la Ligue de l’Enseignement en France est, au-delà du développement de la lecture, l’amélioration du niveau intellectuel des classes laborieuses. Arlette Boulogne explique les convergences et les différences entre l’organisation des Bibliothèques des Amis de l’Instruction et celle les Bibliothèques communales. Elle articule l’œuvre de Macé avec les nouveautés introduites dans le domaine de l’édition par Jules Hetzel et Louis Hachette.

Arlette Boulogne, Quelques bibliothèques populaires en France de 1860 à 1881 : quelques dates, quelques hommes et des images. 06/10/2016

En 1985, Michelle Magdeleine était venue donner une passionnante conférence, que l’on peut écouter en ligne, sur le refuge huguenot, le terme “refuge” désignant l’ensemble des lieux et des populations qui ont pu s’y installer. L’une des suites son travail a été la constitution d’une base de données consultable sur http://refuge-huguenot.ish-lyon.cnrs.fr/

Il s’est agi de procéder au recensement le plus exhaustif possible des populations concernées par l’exil au lendemain de la révocation de l’Édit de Nantes. Les registres d’assistance de l’Église française de Francfort constituaient une base précieuse mais demandaient à être complétées par d’autres sources internationales. Au cours de cette soirée, Michelle Magdelaine a exposé quelles pistes ont été suivies pour savoir qui pouvait être identifié comme protestant à Paris sous l’Ancien Régime. Il faut se livrer à un véritable travail de décryptage. Savoir quels sont les cimetières où peuvent se faire enterrer les protestants, les églises hors Paris où ils peuvent se faire baptiser, repérer dans les actes notariés les formules qui dénotent une non appartenance à l’église apostolique et romaine. Les petite arrangements avec les règles témoignent, pour Michelle Magdelaine, d’un pragmatisme certain de la part d’un Ancien Régime qui, dans le quotidien, veut éviter de se priver de sujets de valeur.

 Michelle Magdelaine, Le protestantisme à Paris 17/11/2016

Déjà présent la saison dernière, Éric Hazan a fait étape à la BAI sur un parcours qu’il a intitulé Ma traversée de Paris. Partant d’une librairie au sud de la capitale pour en rejoindre une autre au nord, sillonnant l’avenue de l’Observatoire et débouchant vers la porte de Saint-Ouen, il parcourt des lieux chargés d’histoire et, parfois de son histoire personnelle. On y rencontre des figures anonymes mais chaleureuses qui ont enrichi la vie de l’enfant d’éditeur puis du chirurgien que fut Éric Hazan. Les mutations sont dépeintes avec une pointe de nostalgie, notamment lorsque la fringue chasse le livre, mais sans pessimisme. Un invitation à laisser avec confiance se reconstruire un nouveau peuple Paris.

Éric Hazan,  Ma traversée de Paris, 08/12/2016