Régis Debray rappelle que « la laïcité n’est pas une option spirituelle parmi d’autres, elle est ce qui rend possible leur coexistence, car ce qui est commun en droit à tous les hommes doit avoir le pas sur ce qui les sépare en fait »

La Laïcité

Philippe Hivert, juriste et historien, est titulaire d’un DEA d’Histoire du Droit, des Institutions publiques, des Idées politiques et des Faits sociaux. Il s’est particulièrement intéressé à l’histoire des mentalités et à celle des identités locales. Il est notamment l’auteur d’une « Histoire de Montreuil-sous-bois », en 5 tomes, d’un « Dictionnaire historique des rues », d’une « Histoire de l’enseignement » et d’une « Histoire du cimetière » de cette même ville. Il a, par ailleurs, enseigné à l’Université de Marne-la-Vallée, où il a dispensé, entre autres, un cours consacré aux sources et aux pratiques de l’éducation populaire. Enfin, il a été commissaire de l’exposition “Pacifisme et Refus de la guerre” en 2018, à Grigny.

Dans le rapport établi en 2002 à la demande du ministère de l’Éducation nationale sous le titre L’Enseignement du fait religieux dans l’école laïque, Régis Debray rappelle que « la laïcité n’est pas une option spirituelle parmi d’autres, elle est ce qui rend possible leur coexistence, car ce qui est commun en droit à tous les hommes doit avoir le pas sur ce qui les sépare en fait ». Pierre angulaire des valeurs républicaines, la laïcité est née dans une société profondément marquée par le catholicisme. L’instauration de ce principe n’a été possible que parce que la majorité des croyants s’est désolidarisée du « parti catholique » (le terme est d’Émile Littré, en 1880), c’est-à-dire tous ceux qui défendaient la doctrine traditionnelle de l’Église.

Or, cette doctrine est en opposition totale avec l’idée républicaine : majoritairement rangée du côté de l’Ancien Régime, puis contre-révolutionnaire, l’Église combat ouvertement la République à laquelle elle ne se rallie que tardivement en 1892, par l’encyclique Au milieu des solitudes. Encore convient-il de mentionner que l’approbation n’est pas enthousiaste : il s’agit d’un ralliement du saint-Siège à la République, que les chrétiens peuvent continuer de refuser en conscience mais à laquelle il leur est conseillé de devoir une obéissance civique formelle.

Durant plusieurs siècles, la société a obéi à des hiérarchies et à des règles définies par la religion. Le souverain tire son autorité d’une prédestination : le monarque est de droit divin. Les religions monothéistes ont étendu leur domination sur le monde. C’est le temps des croisades du côté chrétien et de la conquête de peuples et de territoires par l’islam. L’inquisition créée au XIIe siècle par le pape Grégoire IX arrache conversions, confessions et repentances par la brutalité et la torture. Toute pensée qui s’écarte du dogme de l’Église est hérétique et ceux qui la professent doivent abjurer ou encourent le supplice comme le scientifique Galilée, obligé de se rétracter, ou Giordano Bruno, brûlé en 1600 à Rome. La Réforme, née au XVIe siècle en Allemagne est violemment réprimée en France (cf. la Saint-Barthélemy).

Malgré l’Édit de Nantes (1598) qui organise la coexistence entre Catholiques et Protestants, il n’y a aucune séparation entre le spirituel et le temporel. L’Église revendique le pouvoir de contraindre tous ceux qui vivent dans un pays placé sous son influence.

À l’inverse, pour les républicains, la société politique est une société d’hommes libres, constituée par eux, sous le guide de la raison, sans référence à l’intervention divine. Dans son Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique, Condorcet remarque déjà en 1792 : « Tant qu’il y aura des hommes qui n’obéiront pas à leur raison seule, qui recevront leurs opinions d’une opinion étrangère, en vain toutes les chaînes auraient été brisées, en vain ces opinions de commande seraient d’utiles vérités ; le genre humain n’en resterait pas moins partagé en deux classes : celle des hommes qui raisonnent, et celle des hommes qui croient, celle des maîtres et celle des esclaves ». Pour les républicains, la religion n’est donc qu’une affaire privée, conformément à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, naturellement rejetée par l’Église qui ne peut pas admettre la dissociation des croyances et de la vie publique.

I. LA RÉVOLUTION ET L’EMPIRE

 

Pourtant, les Constituants refusent la séparation de l’Église et de l’État. Ils veulent, au contraire, un État, chose de la Nation, épaulé par une Église catholique, elle aussi chose de la Nation. Au nom de la souveraineté, il ne faut d’ailleurs surtout pas mettre l’Église hors de l’État, mais au contraire créer une « religion d’État ». C’est l’objet de la Constitution civile du clergé adoptée le 12 juillet 1790. Les prêtres réfractaires[1] émigrent ou sont déportés en masse, ce qui conduit, faute de personnel, à confier les registres d’état civil aux municipalités. Juridiquement, cette réforme consacre la séparation du sacrement et de l’acte civil, ce dernier étant désormais effectué par un État qui perd, de fait, son caractère religieux.

Mais la Constitution civile n’aboutit pas : elle ne crée pas une Église nationale et le culte reste un obstacle à la défense révolutionnaire.

Marat est le premier à en demander l’abolition, prélude au mouvement de « déchristianisation » : la Commune de Paris décrète le culte de la Raison, la Convention ferme les églises, elle supprime le calendrier grégorien et remplace la messe par les fêtes du décadi[2]. Seul Robespierre veut remplacer le christianisme par une nouvelle religion célébrant le « Grand Être » : le décret du 7 mai 1794 instaure le culte de « l’Être suprême ». La tentative est un retentissant échec, et après la chute des Jacobins le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794), la Convention prend, au prétexte d’une disposition financière, la première mesure de séparation de l’Église et de l’État par un décret du 18 septembre 1794 qui dispose que « la République française ne paie plus les frais ni le salaire d’aucun culte ». Parallèlement, la Convention va reconnaître par un décret de février 1795, ce que sous-tend l’idée de séparation, c’est-à-dire la liberté des cultes. Le rapporteur Boissy d’Anglas explique que la religion est le produit de l’ignorance, mais que toute persécution violente accélérerait la renaissance du fanatisme : « Ne considérez la religion que comme une affaire privée, ignorez ses dogmes, regardez en pitié ses erreurs, mais laissez chaque citoyen se livrer à son gré aux pratiques de celle qu’il aura choisie ».

La question change de sens avec Bonaparte, qui veut faire de tous les prêtres des « apôtres de l’État », voire des « gendarmes ou des policiers de l’esprit ». Par le Concordat de 1801, le catholicisme n’est pas reconnu comme « religion d’État », mais comme religion « de la grande majorité des citoyens ».

Napoléon nomme les évêques et fonctionnarise les prêtres. Il parvient à obtenir que le pape renonce à revendiquer les biens de l’Église vendus comme biens nationaux et qu’il se désolidarise de l’Ancien Régime. Néanmoins, ni pour le Premier Consul, ni pour l’Empereur, il n’est question de laïcité et de liberté des cultes : il s’agit bien plutôt de soumettre une religion catholique qui reste puissante, mais qui n’est, tout au plus, considérée que comme supplétive et auxiliaire du pouvoir politique. Ce « coup d’État ecclésiastique » stabilise les choses pendant une centaine d’années.

II. L’OFFENSIVE CLÉRICALE

 

En matière scolaire toutefois, la loi Guizot de 1833 ouvre une première brèche dans le monopole napoléonien, concernant l’organisation de l’enseignement primaire.

La loi Falloux du 15 mars 1850 remet en cause tout l’édifice. Dans ses Mémoires, le comte Alfred de Falloux résume son programme d’une phrase : « Dieu dans l’éducation, le pape à la tête de l’Église, l’Église à la tête des civilisations ». La loi conforte donc la liberté de l’enseignement primaire et l’étend à l’enseignement secondaire. Sous réserve des conditions d’hygiène et de capacité, l’ouverture d’écoles secondaires privées est libre. Ainsi, un établissement peut être public ou libre, sous la direction d’un laïque ou d’un ecclésiastique, et un instituteur peut être laïque ou ecclésiastique[3].

Plus précisément, la loi prévoit :

  • 1°) la liberté de l’enseignement secondaire sans restriction pour les Congrégations (donc pour les Jésuites) ;
  • 2°) le subventionnement des établissements « libres » par les départements et les communes (dans la limite de 10% de leurs budgets) ;
  • 3°) une place prépondérante réservée aux évêques et archevêques dans les Conseils universitaires (au détriment du corps enseignant) ;
  • 4°) l’inspection de toutes les écoles et la direction morale des écoles primaires, même publiques, par le clergé.

L’enseignement est alors en grande partie entre les mains du clergé : les deux tiers des enfants reçoivent l’instruction des mains de l’Église. Sur 110 000 maîtres et maîtresses, on compte 47 000 « congrégationnistes ». Les instituteurs publics qui doivent faire réciter le catéchisme en classe sont sous la surveillance des curés qui dressent seuls avec le maire la liste des enfants admis à la gratuité. Enfin, le brevet de capacité à enseigner est remplacé par une simple lettre d’obédience de l’évêque.

Cependant, en dépit de la place donnée à la religion, cette loi ne satisfait pas entièrement le « parti catholique » : c’est une loi de transaction, où la religion est instrumentalisée pour maintenir l’ordre social et qui, par ailleurs, continue de laisser à l’État la surveillance des établissements scolaires, ce qui empêche l’Église d’en faire des appuis pour sa « reconquête » religieuse. Elle maintient l’alliance politique de l’Église avec le pouvoir et fixe le combat républicain et démocratique sur le cléricalisme. La question de la laïcisation de l’école devient primordiale et elle va le rester jusqu’à nos jours[4]. C’était déjà le point de vue qu’adoptait Victor Hugo qui, dans son remarquable discours prononcé à l’Assemblée Législative le 15 janvier 1850, dénonçait la loi Falloux comme une arme dans la main du « parti clérical », une « pensée d’asservissement qui prend les allures de la liberté » et demandait « l’Église chez elle et l’État chez lui »[5].

III. LA RÉACTION RÉPUBLICAINE

 

Les républicains réagissent à partir de 1869 par le Programme de Belleville qui réclame « l’instruction primaire obligatoire laïque et gratuite ».

Une loi de 1878 crée une Caisse des Écoles, tandis que la Ligue de l’Enseignement, créée en 1866, fait, avec Jean Macé, une propagande active pour la laïcité.

Pour l’Église, la position est sans nuance et l’intransigeance de principe. Dans son encyclique Immortale Dei de 1878, le pape Léon XIII réaffirme « la constitution chrétienne des États » en expliquant que « les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère ou inutile, ou en admettre une indifféremment selon leur bon plaisir. En honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré ». Toutefois, le Souverain Pontife va bien être obligé de composer, principalement parce qu’au début de la IIIe République, le « parti catholique » reste le plus fidèle soutien des monarchistes. La République issue de la Révolution menace sa vision du monde et son sens de l’unité sociale fondée sur une religion d’État et l’obéissance à l’autorité. Mais, le pape vient de perdre sa souveraineté sur la ville de Rome, passé au royaume d’Italie en 1870. De plus, à partir de 1879, tous les postes clés des institutions politiques françaises sont occupés par les républicains : ils sont majoritaires à la Chambre des députés depuis 1876, au Sénat depuis 1879, l’année où Jules Grévy succède au maréchal Mac-Mahon à la présidence de la République. Mieux vaut donc manœuvrer avec souplesse en s’attachant à défendre la religion dans le domaine où la puissance catholique est la plus forte : celui du domaine scolaire. L’affrontement décisif portera donc sur l’école.

C’est Jules Ferry, ministre de l’Instruction, qui mène à terme la réforme la plus importante. Sur l’inspiration de Paul Bert, il crée, en 1879, une École normale primaire d’institutrices dans chaque département. En 1881, il fonde l’École normale supérieure (de l’enseignement primaire) de Fontenay-aux-Roses, réservée aux filles pour la formation des professeurs des écoles normales qui forment les institutrices[6]. La même année, il crée l’École normale supérieure (de l’enseignement primaire) de Saint-Cloud uniquement pour les garçons et destinée à la formation des professeurs des écoles normales qui forment les instituteurs[7].

Puis, il dépose deux projets de loi : le premier a pour objet de modifier la composition du Conseil supérieur de l’Instruction publique et des Conseils académiques en les réservant aux seuls membres de l’Instruction publique. Le second réserve à l’État la collation des grades et exclut les membres des congrégations non autorisées de tout enseignement et de toute direction d’école. Le Sénat refuse le texte, et les Catholiques font bloc : la presse, les congrégations, l’épiscopat, le pape se solidarisent avec les Jésuites (l’ordre le plus menacé). Ils organisent ou soutiennent des manifestations massives dans tout le pays. Jules Ferry, devenu président du Conseil, tient bon malgré les déferlements de critiques et d’injures. Il fait appliquer la loi et expulse les religieux dont les ordres ne sont pas en règle.

Au total, 5 643 religieux sont expulsés et 261 établissements fermés. Quant à la réforme proprement dite, elle donne lieu à trois projets de loi, reprenant les 109 articles de l’énorme plan Paul Bert :

1°) Projet de loi sur les titres de capacité dans l’instruction primaire, supprimant le privilège de la lettre d’obédience pour les Sœurs, car, affirme Jules Ferry : « Jamais nous ne reconnaîtrons que l’enseignement du peuple soit une industrie privée ; jamais nous n’admettrons que ceux qui enseignent puissent avoir la liberté de l’ignorance ou la liberté de l’empoisonnement ». Ce projet devient la loi du 16 juin 1881.

2°) Projet de loi relatif à la gratuité, qui trouve ses origines dans la Constitution de 1791 prévoyant notamment « une instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables à tous les hommes ». Pour Jules Ferry, il est en effet indispensable de mêler sur les bancs de l’école les enfants que mêlera plus tard le service militaire.

3°) Projet de loi concernant l’obligation scolaire. C’est de loin le plus important. Il crée le certificat d’études, édicte des sanctions contre les parents négligents, retire aux ministres des cultes les droits de surveillance, de direction et d’inspection que leur donnait la loi Falloux, mais surtout, le projet substitue à l’instruction religieuse un programme d’instruction civique que l’Église juge évidemment inadmissible car il consacre la neutralité scolaire non confessionnelle (« École sans Dieu » dit la droite, « École sans prêtre et sans catéchisme » répond Jules Ferry).

Les Catholiques mènent une campagne d’une rare violence contre ces mesures. Dans L’Univers du 28 mai 1880, Louis Veuillot attaque la gratuité qui n’est qu’une « apparence du bien » car « l’instruction absolument gratuite, c’est-à-dire payée par tout le monde, telle que projettent de l’établir les mameluks de la République est destructive de l’autorité de la famille ». L’obligation scolaire, elle, vise à « noyer la nature humaine dans la marmite du communisme » (25 mai 1880) et contre la laïcité les catholiques prêchent la rébellion et la « croisade de la désobéissance ».

Les laïques répondent avec les arguments suivants : 1) seule la neutralité permet de garantir la liberté de conscience du père de famille, de l’enfant et de l’instituteur ; 2) en matière de croyances, une majorité n’a pas de droits spéciaux contre la minorité : les droits des protestants ou des incroyants sont aussi sacrés que les autres ; 3) si l’école devait être catholique, son maître serait l’Église et non l’État.

Le projet sur l’obligation scolaire est adopté par la Chambre des députés en décembre 1880, mais rejeté par le Sénat en juin 1881. Jules Simon dépose un amendement réclamant à l’école « l’enseignement des devoirs envers Dieu et envers la Patrie ». Jules Ferry réplique qu’on ne vote pas « pour ou contre Dieu, on ne vote pas Dieu dans les assemblées », mais il est battu par 139 voix contre 126 et retire son projet.

Il le reprend quelques mois plus tard et précise ce qu’il entend par neutralité : « Si un instituteur public s’oubliait assez pour instituer dans son école un enseignement hostile aux croyances religieuses de qui que ce soit, il serait aussi rapidement et aussi sévèrement réprimé que s’il avait commis le méfait de battre ses élèves ”. De même : “ Il n’y a pas, en France, de religion d’État, mais il n’y a pas non plus d’irréligion d’État…L’œuvre du gouvernement de la République n’est point une œuvre de sectaires, nous n’avons ni le devoir ni le droit de faire la chasse aux consciences… Nous sommes institués pour défendre les droits de l’État contre un certain catholicisme que j’appellerai le catholicisme politique. Quant au catholicisme religieux, il a droit à notre respect et à notre protection dans la limite du contrat qui lie les cultes avec l’État…Oui, la lutte anticléricale…Mais la lutte anti-religieuse jamais…L’irréligion d’État, le fanatisme à rebours, nous le réprouvons autant que vous ».

Cette fois, le projet est adopté par 167 voix contre 123 : il devient la loi du 28 mars 1882, charte de la neutralité de l’école primaire. Cette loi concernait la laïcité des matières enseignées et non pas celle du personnel enseignant. Elle fut donc complétée, sous le gouvernement Goblet, par la loi du 30 octobre 1886, selon laquelle le personnel des écoles publiques devait être laïque.

 

IV. VERS LA SÉPARATION DE L’ÉGLISE ET DE L’ÉTAT

 

Pour autant, Jules Ferry, républicain modéré, n’avait pas voulu la séparation de l’Église et de l’État. Le conflit entre les congrégations religieuses et la République était donc loin d’être terminé.

Il allait connaître sa dernière flambée sous les ministères Waldeck-Rousseau et Combes, dans le prolongement de l’Affaire Dreyfus, où malgré les prudences de Rome, les congrégations se rangèrent dans le camp des « antidreyfusards », profitant de l’occasion pour réclamer de façon extrêmement virulente, l’abolition de la République et la suppression de la démocratie. Émile Combes, anticlérical sans être antireligieux et qui voulait se tenir « sur le terrain du Concordat », va infléchir la politique qu’il voulait initialement mettre en œuvre : il combat avec acharnement pour faire de la loi de 1901 sur les associations une loi d’exclusion de toute congrégation enseignante, qu’elle soit autorisée ou non. Toutes les congrégations non autorisées furent dissoutes et leurs établissements fermés. 15 964 enseignants furent ainsi suspendus en 1903. La même règle fut appliquée aux congrégations de femmes. En 1904, le « petit père » Combes fait d’autre part fermer 2 398 écoles « congrégationnistes » autorisées.

Sous le même ministère, une suite de querelles conduit, en 1904, à une rupture avec le Saint-Siège. Ces querelles portent naturellement sur des divergences de principes difficilement conciliables et se traduisent par des événements factuels significatifs, notamment sur la question de l’entente préalable pour la nomination des évêques, au sujet de la visite du président Émile Loubet au roi d’Italie que le Vatican considérait comme le spoliateur des droits de l’Eglise ; mais aussi à propos de l’interdiction faite par le gouvernement à deux évêques invités à comparaître devant le Saint-Office. La rupture est finalement consommée le 30 juillet 1904, à l’initiative du gouvernement français.

 

V. L’ÉLABORATION DE LA LOI

 

C’est dans ce climat explosif que va s’élaborer le processus de séparation, sous l’impulsion des parlementaires les plus anticléricaux, principalement les socialistes. En leur nom, Jaurès franchit le pas et écrit dans La Dépêche du 15 août 1904 qu’« il est temps que ce grand mais obsédant problème des rapports de l’Église et de l’État soit enfin résolu pour que la démocratie puisse se donner toute entière à l’œuvre immense et difficile de réforme sociale et de solidarité humaine que le prolétariat exige ».

Ce n’est cependant pas Combes qui mènera ce projet à terme. Son ministère tombe en 1904 à la suite du scandale des fiches : pour purger l’armée, il faisait noter les militaires selon leurs opinions religieuses. Il reste cependant à parachever ce qui a été entrepris : ce sera la tâche du ministère Maurice Rouvier.

Aristide Briand accepte d’être rapporteur de la Chambre sur cette question. Ce très fin politique veut une loi de « pacification », un texte élaboré et accepté par la majorité des Catholiques. Il va avoir fort à faire et devra combattre sur tous les fronts. Contre les « Ultras » tout d’abord qui voient dans la séparation une « persécution religieuse organisée » et un « obstacle à la tranquillité du pays ». Puis contre les républicains favorables au maintien du Concordat. Enfin, contre les libres-penseurs de l’extrême gauche qui par la voix du député socialiste Maurice Allard déposent un contre-projet en déclarant : « Il faut le dire très haut : il y a incompatibilité entre l’Église, le catholicisme ou même le christianisme et tout régime républicain (…) Je déclare très nettement que je veux poursuivre l’idée de la Convention et achever l’œuvre de déchristianisation de la France ». Ce contre-projet soutenu par Édouard Vaillant mais combattu par Jaurès ne recueille que 59 voix.

La discussion aboutit au vote de la loi du 9 décembre 1905 qui concrétise une vieille revendication du parti radical et marque en même temps une date capitale dans l’histoire de l’Église catholique. Elle est votée à la Chambre par 341 voix contre 233 et au Sénat par 181 voix contre 102, promulguée par le président de la République Loubet et publiée au Journal Officiel du 11 décembre. Non seulement l’Église est séparée de l’État, mais les biens ecclésiastiques, comme pendant la Révolution française, doivent être confiées à des associations, les « cultuelles », pour être donnés aux communes et à des œuvres de bienfaisance. Seul l’usage des édifices religieux reste au clergé.

 

VI. LE TEXTE DE LA LOI DU 9 DÉCEMBRE 1905

 

 

Article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ».

 

Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, seront supprimés des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes ».

 

Article 3 : « Les établissements dont la suppression est ordonnée continueront provisoirement de fonctionner, jusqu’à l’attribution de leurs biens aux associations. Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de l’administration des domaines à l’inventaire descriptif et estimatif 1°) Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements ; 2°) Des biens de l’État, des départements et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance. Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants légaux des Établissements ecclésiastiques ».

 

Article 4 : « Après inventaire et estimation, les biens mobiliers et immobiliers des Églises catholique, protestante, juive seront, dans un délai d’un an, transférés aux associations cultuelles légalement formées dans les anciennes circonscriptions ».

 

 

VII. LA RÉACTION CATHOLIQUE

 

Le pape Pie X, par l’encyclique Vehementer nos du 11 février 1906, condamna sans appel la loi de séparation, cette « très pernicieuse erreur », au motif qu’en attribuant l’administration du culte public non pas au « corps hiérarchique divinement institué par le Sauveur » mais à une association de personnes laïques, elle violait la Constitution de l’Église. L’encyclique Gravissimo du 11 août 1906 confirma cette position en rejetant le principe des associations cultuelles.

L’exécution de la loi fut difficile et la procédure des inventaires donna lieu à de nombreux et violents conflits. Les royalistes de l’Action Française prirent la tête de la résistance, notamment en barricadant les églises. En soi, la loi ne réglait rien si elle ne pouvait pas être appliquée.

Deux hommes, Georges Clemenceau, ministre de l’Intérieur puis président du Conseil (1906) et Aristide Briand, ministre des cultes, mirent fin au désordre, en faisant adopter la loi du 2 janvier 1907 qui prévoyait que les églises étaient « à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion » et retardait la confiscation des biens religieux jusqu’en 1908.

À la longue, l’Église de France accepta et défendit la loi de séparation en y voyant même un avantage : bien que dépossédée de ses biens, elle avait désormais un statut légal dans une République qui lui offrait l’indépendance.

 

VIII. L’ORIGINALITÉ FRANCAISE

 

La laïcisation de l’école et la séparation de l’Église et de l’État sont propres à la République française. Les constitutions de 1946 et 1958 en rappellent le principe. La laïcité est un cadre juridique explicitement mentionné par l’article 1 de la Constitution de 1958 : « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

De tous les grands États, seule la Turquie de Mustafa Kemal a formellement inscrit la laïcité dans ses institutions, depuis 1923. Néanmoins, il faut préciser que cette conception n’a pas grand-chose à voir avec la construction française : elle en est même le strict opposé puisqu’en Turquie l’Église est étatisée, ce qui revient non pas à permettre l’exercice pacifiée de la diversité des options spirituelles, mais à uniformiser et « militariser » la foi religieuse.

Les pays protestants ont généralement des Églises d’État (Danemark, Finlande, Norvège, Royaume-Uni : la reine d’Angleterre est chef de l’Église anglicane), les pays catholiques ont généralement un régime concordataire (Autriche, Espagne, Italie, Portugal, Luxembourg). L’Allemagne a fait de l’instruction religieuse dans les programmes scolaires une obligation constitutionnelle ; en Irlande, la Constitution est placée sous la protection de la « Très Sainte Trinité » ; aux États-Unis la séparation des Églises et de l’État est constitutionnelle mais pas la séparation de l’État et de la religion (qui est elle-même constitutionnalisée, ce qui oblige, par exemple, le président à prêter serment sur la Bible).

La laïcité est bien un trait spécifique de la République française. Cent quinze ans après son adoption, elle reste la loi applicable dans notre pays, sauf dans les territoires d’outre-mer. De même, l’Alsace et la Moselle, parties intégrantes du Reich allemand au moment de la Séparation, ont gardé, après leur réintégration dans la République, leur statut concordataire jusqu’à nos jours : l’État aide financièrement les quatre cultes reconnus, rétribue pasteurs, curés et rabbins, et un enseignement religieux est dispensé à l’école publique.

 

 IX. L’ACTUALITÉ DE LA NOTION DE LAÏCITÉ

 

L’évolution progressive des Catholiques tout au long du XXe siècle a donné le jour à Vatican II dans les années 1960. La position de l’Église a changé : « Pour la doctrine morale catholique, la laïcité comprise comme autonomie de la sphère civile et politique par rapport à la sphère religieuse et ecclésiastique, mais pas par rapport à la sphère morale, est une valeur acquise et reconnue par l’Église, et elle appartient au patrimoine de civilisation déjà atteint » (note officielle). Mais le dualisme scolaire subsiste entre le public et le privé, qui a été – et est encore – la cause de nombreuses tensions. On peut citer, entre autres, sans que cette liste soit exhaustive, les exemples suivants :

– Le régime de Vichy a dissous les organisations laïques et favorisé l’enseignement catholique, prolongeant et amplifiant les attaques de la hiérarchie catholique contre la « République sans Dieu » qui voyait dans la défaite militaire de 1870 « une punition divine, un châtiment mérité pour une France pécheresse ayant oublié les véritables valeurs chrétiennes. »[8]

– En 1953, est créé le Comité National d’Action Laïque (CNAL) qui regroupe les syndicats d’enseignants, les parents d’élèves, la Ligue de l’Enseignement et les délégués départementaux de l’Éducation nationale ;

– En 1959, la loi Debré autorise les contrats avec les établissements privés. L’État octroie une aide financière et prend en charge la rémunération des enseignants, à condition de respecter la liberté de conscience et d’enseigner les programmes. L’enseignement catholique représente 96% de l’enseignement privé sous contrat, soit deux millions d’élèves ;

– En 1984, le gouvernement de gauche renonce à son projet de « service public unifié et laïque de l’éducation » à la suite des manifestations des partisans de l’école privée ;

– En 1994, le gouvernement de droite veut élargir les possibilités offertes par la loi Falloux de financer les établissements privés. Il échoue lui aussi, cette fois-ci après les manifestations laïques.

En tant que philosophie politique, la doctrine laïque met au premier rang la liberté de conscience ; elle refuse toute domination des esprits, qu’elle soit religieuse ou idéologique. Elle est fondée sur le principe d’une double indépendance : indépendance de l’État vis-à-vis de la religion, indépendance de la religion vis-à-vis de l’État. La République admet donc l’expression publique des appartenances religieuses, ethniques ou culturelles. Les seules limites juridiques sont celles de l’ordre public, du respect des libertés et de l’intégrité des personnes[9]. Toutefois la réalité sociale se montre souvent moins tolérante.

L’un des corollaires du principe est la neutralité des services publics : l’État laïque ne privilégie aucune conviction philosophique ou religieuse. La Constitution précise à ce sujet que « la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». C’est l’application du principe de neutralité des services publics et des fonctionnaires.

 X. LES DIFFICULTÉS ET LES TENSIONS

 

Aujourd’hui, la laïcité est en crise : on assiste un peu partout dans le monde à un démantèlement d’États qui, à leur fondation, s’inspiraient, officiellement ou non, de la laïcité au nom de la liberté de croire ou de ne pas croire (Israël, Indonésie, Égypte…).

Au fil du temps, elle est devenue une sorte d’incantation, et ceci d’autant plus facilement qu’elle n’a pas de définition juridique. Le mot n’est pas employé dans la loi de séparation (pas plus d’ailleurs que ne l’est le terme de « religion » auquel on a prudemment préféré le mot « culte »).

Ce flou sur les notions, qui permet des interprétations abusives (on a pu évoquer des concepts aussi imprécis qu’une laïcité « positive » ou « inclusive » sans évidemment s’attacher à en préciser le contenu), rend encore plus délicate la réflexion nécessaire pour apporter des réponses à plusieurs questions concrètes, parmi lesquelles on peut en mentionner au moins quatre principales :

– 1) Comment faire respecter l’égalité des cultes et des convictions alors que l’histoire est imprégnée par le catholicisme (calendriers, jours fériés, paysages, etc.) ?

– 2) Les religions reconnues disposent de lieux de culte spécifiques, mais les nouveaux cultes comme l’Islam ou le bouddhisme ne bénéficient pas de ces avantages du passé. La question est d’autant plus épineuse que la construction des mosquées ou la formation des imams sont souvent financées par des États étrangers fondamentalistes ;

– 3) La création d’un Conseil représentatif du culte musulman[10] a cherché à apporter une solution. Mais elle n’en constitue pas moins une ingérence de l’État dans l’organisation d’un culte, ce qui contrevient à l’obligation de neutralité auquel il doit s’astreindre en matière religieuse et qui, de surcroît, peut s’avérer à tout le moins stigmatisante : pourquoi réserver un traitement si particulier à la religion musulmane quand il n’y a pas de conseil français des cultes catholique, protestant ou juif ?

– 4) L’affaire du foulard islamique divise la société depuis une quinzaine d’années. L’avis du Conseil d’État demandé par Lionel Jospin alors ministre de l’Éducation nationale n’a pas suffi pour calmer la polémique. Le président de la République a installé une commission présidée par le médiateur de la République, Bernard Stasi qui a produit un rapport servant à l’élaboration d’une loi interdisant « les signes et tenues qui manifestent ostensiblement l’appartenance religieuse des élèves ».

À ces complications récurrentes, s’ajoute le fait que le modèle français de la laïcité est régulièrement mis en accusation, y compris par les autorités européennes, aux motifs qu’il serait répressif et liberticide. Idéologiquement, on tend à lui substituer le modèle anglo-saxon, notamment étatsunien, en ignorant, ou en feignant d’ignorer, que ce dernier est l’inverse du nôtre. La France a, en effet, adopté la loi de séparation de 1905 pour défendre l’État de l’emprise religieuse, alors que les américains ont posé comme règle qu’il fallait défendre les églises de l’emprise de l’État. Les États-Unis ont érigé en principe constitutionnel la nécessité de la foi qui peut cependant souffrir l’existence de plusieurs confessions juxtaposées les unes aux autres au nom de la liberté de conscience, alors que le modèle français n’est qu’un cadre neutre qui, parce qu’il organise la concorde civile, permet la coexistence de toutes les options spirituelles dès lors qu’elles demeurent dans le domaine privé sans prétendre s’ériger en norme politique.

Enfin, une autre difficulté, et non des moindres, tient à la remise en cause de la légitimité du pouvoir étatique et de la crise de la puissance publique qui dégradent jusqu’à la notion de l’autorité de l’État censé pacifier l’organisation sociale. Dès lors que toutes les opinions se valent et ont, quelles qu’elles soient, un égal droit de cité dans l’espace public, la vérité commune – y compris scientifique – devient à son tour une opinion comme une autre et n’a plus qu’une valeur relative. La prééminence donnée de fait à une pensée individuelle et subjective rend inopérante la reconnaissance d’un cadre commun à tous – ce qui est l’essence même de la laïcité – considéré comme une contrainte inutile, inefficace et attentatoire à la liberté de penser.

Et pourtant, la laïcité est indissociablement liée à l’histoire de la République dont elle est un attribut essentiel : elle trouve son origine dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui proclame que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » (article 1) et que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » (article 10).

À ce titre, défendre la laïcité est un combat républicain.

Mais n’est-ce pas ce qu’affirmait déjà Jean Jaurès au début du XXe siècle en affirmant à la tribune de l’Assemblée nationale : « Laïcité de l’enseignement, progrès social, ce sont deux formules indivisibles. Nous lutterons pour les deux. »

 

 

 

Philippe Hivert

 

[1] Dans le prolongement de la Constitution Civile du Clergé votée le 12 juillet 1790, acceptée par les autorités ecclésiastiques françaises et sanctionnée par le roi 10 jours plus tard, la Constituante imposa aux prêtres fonctionnaires publics – vicaires, curés ou évêques – de prêter un serment constitutionnel « à la nation, à la loi et au roi ». Le Pape Pie VI qui avait déjà condamné la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen comme contraire aux dogmes de la religion officielle, rejeta cette nouvelle organisation par deux brefs des 11 mars et 13 avril 1791, ouvrant ainsi un schisme religieux entre les prêtres « constitutionnels » ou « jureurs » qui avaient accepté la Constitution Civile du Clergé et les prêtres « réfractaires » qui la refusaient.

 

[2] L’instauration du calendrier révolutionnaire (ou calendrier républicain) résulte de l’adoption du projet conçu par Fabre d’Églantine par les décrets du 5 octobre 1793 et du 24 novembre 1793. Il commence à l’équinoxe d’automne, le jour de la fondation de la République (22 septembre 1792). L’année est divisée en 12 mois de 30 jours, plus 5 jours supplémentaires pour les années courantes et 6 jours pour les années bissextiles (les « sans-culottides »). Le nom des mois se veut évocateur et est phonétiquement très bien choisi : Printemps (germinal, floréal, prairial), Été (messidor, thermidor, fructidor), Automne (vendémiaire, brumaire, frimaire), Hiver (nivôse, pluviôse, ventôse). Chaque mois est divisé en 3 décades (ce qui supprime les dimanches remplacés par des « décadis » et les fêtes religieuses remplacées, elles, par des fêtes républicaines).

 

[3] Non seulement la loi autorise l’enseignement catholique dans le primaire comme dans le secondaire, mais elle permet également à Rome d’influer sur les programmes. Les évêques sont membres de droit des conseils d’académie, et l’école est sous la surveillance conjointe du maire et du curé. Un rapport du prêtre est suffisant pour entraîner la mutation d’un instituteur. Même si la IIIe République a entamé les fondements de la loi Falloux en instituant la gratuité, la laïcité et l’école obligatoire, il faudra attendre l’année 2000 pour qu’elle soit totalement abrogée – à l’exception de certains articles qui demeurent encore dans le code de l’éducation et concernent les modalités de l’enseignement privé.

[4] En distinguant l’enseignement public de « l’enseignement libre », la loi Falloux a ouvert une guerre scolaire qui s’est maintenue bien au-delà du XIXe siècle : au vaste « mouvement de l’école libre » en 1984 contre le projet de loi Savary, a répondu la manifestation laïque du 16 janvier 1994 contre la révision de la loi Falloux, voulue par le ministre François Bayrou.

[5] Victor Hugo, Discours du 15 janvier 1850 contre la « proposition de loi instituant la liberté de l’enseignement ».

[6] En 1986, l’école devenue mixte, sera consacrée à l’enseignement des lettres et des sciences humaines. Elle prendra le nom d’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud.

[7] Vers 1950, elle sera autorisée à préparer l’agrégation. En 1986, l’école deviendra mixte. Elle abrite les sections scientifiques et se déplace dans la nouvelle École normale supérieure de Lyon.

[8] Claude Singer, 1940-1944 : la laïcité en question sous le régime de Vichy, in Raison présente, n°149-150, 1er trimestre 2004. Une laïcité pour l’avenir, pp.41-54 ; Il poursuit en précisant que « Dans les déclarations officielles, à la radio et dans la presse on accuse explicitement les instituteurs laïques, les juifs et les francs-maçons de tous les maux ». Pour nombre de catholiques pratiquants, il s’agit de d’organiser la reconquête des âmes et de rechristianiser le pays pour contrer l’athéisme et le communisme qui ont progressé rapidement sous le Front populaire. La laïcité est remise en cause car « l’école sans Dieu » est jugée responsable de la débâcle. Paul Claudel soutient, par exemple, dans son Journal qu’avec Vichy « La France est délivrée après 60 ans du joug du parti radical et anticatholique (professeurs, avocats, juifs, francs-maçons) » et il espère que, grâce au nouveau gouvernement, les Français seront « délivrés du suffrage universel et du parlementarisme, ainsi que de la domination méchante et imbécile des instituteurs qui lors de la dernière guerre, se sont couverts de honte ». Un peu plus loin, il applaudit le vote de l’Assemblée nationale du 10 juillet 1940 qui « met fin au régime parlementaire et à la domination des francs-maçons et des instituteurs » et considère qu’« il n’y aura rien de fait tant que l’on n’aura pas abattu l’Université de France et l’éducation classique ».

[9] C’est ce que rappelle de manière claire et synthétique le philosophe Henri Pena-Ruiz en soulignant que « la laïcité est une valeur essentielle, avec ce souci de la liberté de conscience et de l’égalité de tous les hommes, qu’ils soient croyants, athées ou agnostiques. L’idéal laïc n’est pas un idéal négatif de ressentiment contre la religion. C’est le plus grand contresens que l’on puisse faire sur la laïcité que d’y voir une sorte d’hostilité de principe à la religion. Mais c’est un idéal positif d’affirmation de la liberté de conscience, de l’égalité des croyants et des athées et de l’idée que la loi républicaine doit viser le bien commun et non pas l’intérêt particulier. C’est ce qu’on appelle le principe de neutralité de la sphère publique », in MAIF infos septembre 2003

 

[10] Le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) créé en 2003 est une association française régie par la loi de 1901, placée sous l’égide du ministère de l’Intérieur et qui a vocation à représenter les musulmans de France auprès des instances étatiques pour les questions relatives à la pratique religieuse.